Êtes-vous sûrs que votre site est accessible pour que le plus grand nombre puisse s’approprier les informations avec un minimum d’effort, avec une empreinte environnementale minimisée ?
Dans bien des cas, lorsque j’aborde le sujet de l’éco-conception d’un site Web, on me répond :
« Tu as choisi quel hébergeur ? » ou « Comment as-tu optimisé le PHP pour cela ? »
Aborder le sujet de l’écoconception Web par des perspectives techniques est une erreur bien trop courante !
Je vais présenter dans cet article les idées reçues les plus couramment citées pour minimiser l’impact environnemental d’un site Web.
Idée reçue N°1 : l’optimisation technique est le meilleur moyen de minimiser les impacts environnementaux
Dans écoconception, on a éco pour « écologie » (voir « économie ») et conception pour « conception »… Et c’est bien de cela dont il s’agit !
Le Larousse définit le terme « conception » comme ceci :
Action d’élaborer quelque chose dans son esprit, de le concevoir ; résultat de cette action.
La notion technique n’apparaît pas dans la définition. Bien au contraire : il s’agit d’une construction mentale !
Et oui ! Le levier qui aura les résultats les plus importants sur l’impact environnemental est bien la réflexion en amont du produit digital. On estime d’ailleurs, que les développements ne représentent qu’environ 10 à 20 % des gains potentiels.
Se concentrer uniquement sur les aspects techniques revient à passer à côté de l’essentiel.
Les fonctionnalités, les principes ergonomiques, les choix techniques, le rendu graphique et les contenus doivent être pensés sous l’angle de l’écoconception, en répondant à ses questions simples pour chacun d’eux :
Est-ce que cet élément est réellement nécessaire pour mes usagers ?
Est-ce que cet élément me permet d’atteindre les objectifs du produit digital à créer ?
N’existe-t-il pas une alternative plus sobre pour le même résultat ?
Exemple des statistiques d’un site Web
Prenons l’exemple des statistiques de consultation d’un site Internet vitrine d’une petite PME qui souhaite présenter ses valeurs et ses services à ses prospects. La plupart des agences Web propose d’installer Google Analytics. Ce produit statistique proposé par Google est une grosse machine, qui impacte chaque page du site (chargement du javascript et échange avec les serveurs Google), impose un tracking des internautes et monopolise des ressources serveur chez Google pour fonctionner.
Sur cet exemple appliquons les 3 questions :
- Est-ce que les statistiques de consultation sont réellement nécessaires pour mes usagers ?
Objectivement, l’usager s’en passerait bien. Cela l’oblige d’ailleurs à accepter les cookies alors qu’il ne devrait pas être concerné. Il s’agit plutôt d’une contrainte pour l’usager.
- Est-ce que les stats de Google me permettent d’atteindre les objectifs ?
Dans le pire des cas, les petites PME n’ont même pas conscience qu’il y a des stats sur leur site Web et dans le meilleur, ils vont les consulter une fois de temps en temps pour vérifier qu’il y a des visiteurs sur le site Web. Mais nous pouvons considérer que les stats ont un rôle d’aide à la décision lorsqu’elles sont utilisées correctement. Répondons oui à cette question.
- N’existe-t-il pas une alternative plus sobre pour le même résultat ?
Oui, évidemment. Dans un cas comme celui-ci, les fichiers de logs qui sont systématiquement proposés chez les hébergeurs peuvent être tout à fait suffisants pour produire des données statistiques utiles. On peut aussi envisager la mise en place d’outil plus léger et plus respectueux de la vie privée, comme les solutions Plausible ou Matomo par exemple.
Remplacer cette idée reçue par cette idée : prendre le temps de la réflexion est le pré-requis absolument nécessaire pour minimiser l’impact environnemental d’un site Internet.
Idée reçue N°2 : la phase de création du site Web concentre la plupart des impacts environnementaux
Certes, la réalisation d’un site Web peut nécessiter de
- faire fonctionner plusieurs ordinateurs pendant plusieurs jours ou semaines,
- solliciter plusieurs services Web (sauvegardes, pré-production, dépôt GIT, etc.) plus ou moins impactants,
- communiquer avec ses clients via téléphone, visio-conférence ou réunion physique pour le suivi du projet.
Mais toutes ces actions ont un impact qui reste très en dessous de l’impact lié à l’utilisation du site Web qui est créé.
Si on compare le temps passé devant un écran pour produire un site Internet et le temps que les utilisateurs (réels ou bots) vont passer à le visiter, on peut noter des écarts de 1 à 10 000 !
C’est donc bien du côté des usages du site Web que nous disposons des effets de levier les plus importants. Plus nous rapprocherons les besoins des usagers et les réponses que nous leur apportons et plus l’empreinte environnementale sera faible.
On revient ainsi à la première idée essentielle : la phase initiale de réflexion doit permettre de connaître parfaitement les attentes des usagers pour lui proposer exactement ce dont il a besoin.
Remplacer cette idée reçue par cette idée : proposer à ses usagers le strict nécessaire, sans « gras » (on parle alors de sobriété), réduira naturellement l’empreinte environnementale d’un site Web.
Idée reçue N°3 : l’écoconception est une course à l’économie d’énergie
L’économie d’énergie est un des effets de l’écoconception, mais ce n’est pas l’objectif premier.
En effet, l’objectif premier de l’écoconception est la réduction des ressources informatiques nécessaires au fonctionnement et à l’usage du site Web. Et à travers cet objectif, on réduit de fait la consommation énergétique.
Ainsi, pour la création d’un site Web, les sujets de préoccupations sont plutôt ceux-ci :
- Quels objectifs je vais donner à mon site Internet ?
- À quelles audiences je m’adresse ?
- Quels contenus je vais leur proposer ?
- Quelle bande passante est nécessaire pour un affichage confortable de mon site ?
- Quelle est la complexité technique des pages proposées ?
- Quel type de serveur va héberger mon site Web ?
- etc.
Mais ne nous arrêtons pas là. Les deux idées précédentes le montrent très bien, un site Web écoconçu est plus simple (sobre) en terme fonctionnel, éditorial, graphique et permet ainsi une plus longue durée de vie et une utilisation possible par des appareils plus anciens.
Un site Web qui intègre les dernières technologies à la pointe, sans se préoccuper des ressources nécessaires pour le faire fonctionner chez les usagers, rentre forcément dans un principe d’obsolescence programmée. Quoi de plus frustrant que de ne pas pouvoir accéder à un site Web parce que mon ordinateur ou mon téléphone n’est pas assez puissant.
Remplacer cette idée reçue par cette idée : réduire la puissance informatique nécessaire au fonctionnement d’un site Web doit être le cap à suivre.
Idée reçue N°4 : un site Web performant est un site Web écoconçu
À ce stade de la lecture, vous devez bien vous douter que ce n’est pas systématiquement le cas.
Oui évidemment, la vitesse d’affichage est importante. Elle participe directement au confort d’utilisation. Mais les développeurs savent très bien qu’il est possible de compenser le manque d’optimisation des développements par une machine plus puissante. La performance est ainsi bien trop souvent optimisée par une débauche de puissance.
La performance d’un site Internet est aussi une conséquence naturelle de la simplification : on ne propose que l’essentiel.
Remplacer cette idée reçue par cette idée : un site Web éco-conçu est naturellement performant. L’inverse n’est pas nécessairement vrai.
Que faut-il retenir ?
On a réussi à envoyer des hommes sur la lune avec une fusée dont le programme informatique était inférieur à 100 Ko. Il faut aujourd’hui plus de 6 Mo pour faire fonctionner une simple horloge sur nos mobiles.
Quand je pense à cela, j’ai toujours un petit sourire d’admiration. Les contraintes techniques des fusées Apollo étaient telles que les ingénieurs ont dû faire preuve d’une réflexion très pointue pour se concentrer sur l’essentielle, il n’y avait pas de place pour le superflu.
Aujourd’hui un simple mobile est infiniment plus puissant que les ordinateurs de l’époque. Cette sur-puissance disponible est souvent gâchée par un manque de réflexion. On a horreur du vide, alors on remplit : j’ai de la puissance disponible alors je peux (je dois ?) l’utiliser.
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