Êtes-vous sûrs que votre site est accessible pour que le plus grand nombre puisse s’approprier les informations avec un minimum d’effort, avec une empreinte environnementale minimisée ?
Pourquoi évaluer l’impact environnemental de son site Internet ?
Ce n’est plus un secret, les activités humaines entraînent un dérèglement des climats et un écroulement de la biodiversité. Ces effets impactent profondément nos vies économiques et sociales.
À lui seul, le digital émet, chaque année, autant de gaz à effet de serre que l’ensemble des salariés français allant travailler pendant 50 ans. L’impact environnemental global du numérique – émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau, consommation d’énergie primaire – représente un 7ème continent de la taille de 2 à 5 fois la France (source : étude 2019 de GreenIT sur l’empreinte environnementale du numérique mondial).
L’empreinte environnementale d’une simple prise de contact
Il est très simple de comprendre qu’une prise de contact sur un site vitrine nécessite une collection d’outils technologiques : il faut les fabriquer, les maintenir en état de fonctionnement, ils consomment de l’énergie et il faudra les traiter en fin de vie.
Malheureusement, pour la plupart des internautes, impossible d’imaginer que cette prise de contact induise de telles conséquences. Cette armada technologique est imperceptible.
Prendre conscience, évaluer et améliorer pour diminuer l’impact
L’évaluation de l’impact environnemental d’un site Internet doit donc vous permettre de déterminer les efforts qu’il reste à faire pour vos internautes. Au-delà du constat et de la prise de conscience, le résultat d’une telle analyse doit vous engager dans un processus d’amélioration et de diminution continues de cet impact, voir de vous engager dans une démarche d’écoconception de votre site Web. Il s’agit de définir un point de repère et de comparaison pour évaluer vos progrès.
Cette évaluation me semble le bon point de départ pour s’inscrire dans une démarche de responsabilité environnementale. Elle peut être aussi nécessaire si votre entreprise est engagée dans une démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
Comment évalue-t-on l’impact environnemental d’un service numérique ?
Les études d’impacts environnementaux s’appuient sur des normes ISO (14040 et 14044) qui définissent les règles d’Analyse du Cycle de Vie (ACV) d’un produit ou d’un service. Il faut donc prendre en considération l’ensemble du cycle et pas seulement les effets directs d’une action.
L’Analyse du Cycle de Vie des matériels
Consulter une page Web induit l’utilisation de matériels : ordinateur ou téléphone mobile, box de connexion Internet, infrastructure réseau, data center, serveur, etc. Tous ces appareils ont été fabriqués avec une grande quantité de matières premières extraites grâce à de l’énergie et de l’eau.
Cette étape de fabrication concentre la majeure partie des impacts. Il convient ainsi d’amortir cette fabrication en prolongeant au maximum la durée de vie de ces appareils. C’est d’autant plus vrai que le recyclage de ces outils technologiques reste très partiel.
Définir les cas d’utilisation de l’utilisateur
En soi, évaluer l’empreinte environnementale d’une page d’accueil n’a pas vraiment d’intérêt et n’amène à aucune réflexion au-delà du simple aspect technique… Il est préférable et beaucoup plus constructif de définir les cas d’utilisation de votre site Internet : acheter un bijou, contacter le SAV, se renseigner sur un service, demander un devis, etc.
Ces cas d’utilisation définissent un parcours type sur votre site Internet. Dans la définition de ces parcours, il convient d’inclure les étapes en amont de votre site Web, comme les réseaux sociaux, la publicité en ligne ou les moteurs de recherche. Et également, en aval, si vous utilisez un CRM (Customer Relationship Management) ou un TPE (Terminal de Paiement électronique). Ce sont ces parcours utilisateurs qu’il convient d’évaluer : plusieurs pages et actions sont concernées.
Analyser le cycle de vie du parcours utilisateur
La réalisation d’une Analyse de Cycle de Vie de ces parcours utilisateur n’est pas à la portée de tous et nécessite de nombreux prérequis : connaissance des règles, des moyens de collecte et de la source des données, définition du modèle d’analyse, etc. Sans parler du coût d’une telle démarche qui n’est bien souvent pas cohérent avec les budgets de communication d’une PME pour son site vitrine.
Heureusement, il existe des outils qui permettent de simplifier ce travail d’évaluation. Attention, néanmoins : les outils présentés ici n’ont rien à voir avec la réalisation d’une ACV. Ils permettent simplement de donner des repères et de servir de base à la compréhension des sources techniques de l’impact environnemental.
Quel outil choisir pour évaluer l’impact environnemental d’un site Web ?
Il existe de nombreux services en ligne qui proposent d’évaluer votre site Internet. Chacun de ces outils s’appuie sur des modèles économiques et techniques, avec des critères plus ou moins pertinents.
Nombre d’entre eux évaluent l’impact environnemental en s’appuyant sur le niveau de consommation électrique. Or, ce critère est biaisé et ne peut pas être considéré comme un critère d’évaluation environnemental (source : L’électricité n’est pas un indicateur environnemental).
Les résultats chiffrés de ces outils ne sont pas comparables entre eux. Je vous propose de passer en revue les plus souvent cités pour mener une évaluation de vos parcours utilisateurs sur votre site Internet.
Ecoindex
Adresse du service : ecoindex.fr
Objectifs de l’évaluation
Évaluer l’impact environnemental d’une page Web avec les indicateurs suivants :
- émission de gaz à effet de serre (eqCO2)
- consommation d’eau bleue (cl)
Il permet aussi d’évaluer un « score » sur une double échelle de performance environnementale :
- absolue : de 0 à 100 (100 le meilleur score possible)
- relative : de A à G
Origine et indépendance de l’outil
Créé et entretenu par un collectif, à l’initiative de Frédéric Bordage (GreenIT.fr), cet outil est en accès libre et les codes sources sont disponibles en OpenSource.
Aucune donnée personnelle n’est nécessaire pour évaluer un site Internet et il n’est pas utilisé à des fins commerciales.
Méthodologie
Cette échelle a été mise au point et étalonnée suite à l’analyse de 500 000 URLs. L’évaluation tient compte de l’ensemble du cycle de vie des appareils. Ces résultats ont été vérifiés par des tiers et rejoignent les résultats d’autres modélisations indépendantes.
Pour calculer ces indicateurs et ce score, cet outil s’appuie sur les critères suivants :
- Complexité de la page (nombre d’éléments)
- Poids de la page (bande passante)
- Charge serveur (nombre de requêtes)
Avis personnel
C’est, je pense, le seul service en ligne gratuit et capable de proposer une analyse de performance environnementale d’une page Web multicritère. Elle tient compte à la fois de la complexité de la page, des données à télécharger et de l’impact sur les serveurs du data center. C’est celui que j’utilise lors de mes audits de sites Internet ou dans la phase de développement des sites Web.
Notez qu’il existe des extensions pour navigateur pour simplifier son utilisation lors de l’évaluation d’un parcours utilisateur.
Carbonalyser
Adresse du service : The Shift Project
Objectifs de l’évaluation
Évaluer la consommation électrique et les émissions de gaz à effet de serre engendrées par le chargement des données pendant une session de visite Web :
- consommation électrique en kWh
- émission de gaz à effet de serre en gCO2eq
Origine et indépendance de l’outil
Cette extension Firefox a été créée par l’association The Shift Project. Cet outil est en accès libre et les codes sources sont disponibles en OpenSource.
Aucune donnée personnelle n’est nécessaire pour évaluer un site Internet et il n’est pas utilisé à des fins commerciales.
Méthodologie
L’extension se base sur le modèle « 1byte » défini par The Shift Projet, qui permet de convertir une bande passante en consommation électrique, puis en émissions de gaz à effet de serre selon la zone géographique.
Avis personnel
Cette évaluation ne tient pas compte de la complexité de la page. Les émissions de gaz à effet de serre ne tiennent pas compte du cycle de vie des appareils, dont la fabrication concentre la majeure partie de ces émissions.
Comme nous l’avons déjà indiqué, la consommation électrique n’est pas un indicateur environnemental.
Il est surtout dédié à la prise de conscience grâce à la visualisation d’un équivalent très concret en nombre de kilomètres parcourus en voiture ou un nombre de recharges de téléphone mobile. L’extension propose aussi des contenus sur le site Web The Shift Project.
Greenspector
Adresse du service : Mobile Efficiency Index
Objectifs de l’évaluation
Évaluer la consommation électrique d’une page Web sur un appareil mobile :
- consommation électrique en mAh
- impact sur la durée d’utilisation de la batterie en h et min
Le service évalue l’impact sur la batterie.
Il propose aussi un « ecoScore » sur 100, tenant compte du niveau de consommation et du respect d’un référentiel de bonnes pratiques.
Origine et indépendance de l’outil
L’entreprise Greenspector a développé un modèle de mesure des consommations électriques des outils numériques. Ils ont aussi développé leur propre référentiel de bonnes pratiques (référentiel propriétaire).
Cette version gratuite est une version minimaliste de leur suite logicielle disponible sur abonnement. L’analyse d’une page Web nécessite d’inscrire un e-mail valide.
Méthodologie
Contrairement à d’autres services, l’outil mesure la consommation d’énergie réelle, en chargeant la page sur un téléphone dans le cloud.
Le respect de leurs bonnes pratiques est évalué en complément de cette mesure pour produire une note.
Le résultat inclut une visibilité des sources de surconsommation (chargement de la page, veille, scroll, etc.).
Avis personnel
Cet outil gratuit ne permet pas réellement d’évaluer un impact environnemental (la consommation électrique n’est pas une évaluation d’impact). Il est clairement destiné aux développeurs pour identifier des défauts de développement ou des leviers d’amélioration. Pour être réellement exploitable, il sera nécessaire d’utiliser les versions payantes.
Website Carbon Calculator
Adresse du service : Website Carbon Calculator
Objectifs de l’évaluation
Il calcule les émissions de gaz à effet de serre d’une page Web et si l’hébergement dispose d’une source d’énergie renouvelable.
- émission de gaz à effet de serre (eqCO2)
Origine et indépendance de l’outil
Cet outil gratuit est créé et entretenu par l’agence Web anglaise Wholegrain Digital. Cet outil est en accès libre et les codes sources sont disponibles en OpenSource.
Aucune donnée personnelle n’est nécessaire pour évaluer un site Internet.
Méthodologie
Il évalue les émissions de gaz à effet de serre d’une page Web. Cet outil évalue 5 critères :
- le volume de données transférées,
- l’énergie consommée par les appareils (data center, réseau, ordinateur, etc.)
- la source d’énergie du data center
- une moyenne mondiale du ratio type d’énergie et émission de gaz à effet de serre
- le trafic de la page en question
Pour évaluer la qualité environnementale de l’hébergement, le service utilise les données du site The Green Web Foundation (https://www.thegreenwebfoundation.org) qui n’est pas vraiment exhaustif : la France ne disposerait que de 3 data centers à « énergie renouvelable »… Les données ne bénéficient pas vraiment d’un contrôle.
Cette évaluation ne tient pas compte de l’impact de la fabrication ou du recyclage des appareils.
Avis personnel
Il est très simple à utiliser et le résultat propose des équivalences pour se représenter concrètement le niveau d’impact. Malheureusement, les résultats sont bien en dessous de la réalité.
Ecograder
Adresse du service : Ecograder
Objectifs de l’évaluation
Évaluer un score de performance environnemental sur une échelle de 0 à 100. Avec cet outil, on ne parle ni d’émission de gaz à effet de serre ni réellement d’impact environnemental.
Origine et indépendance de l’outil
Cet outil est proposé par la société Mightybytes, une agence Web certifiée B Corp, situé à Chicago. La soumission d’une URL sur cet outil nécessite la fourniture d’une adresse e-mail. Par ailleurs, le mode de calcul est très opaque.
Méthodologie
C’est un service un peu hybride qui évalue 4 critères pour donner une note sur 100 :
- les caractéristiques techniques d’une page Web (poids, requêtes, etc.)
- la capacité à être trouvé sur les moteurs de recherche
- la compatibilité mobile
- la source d’énergie du datacenter
L’idée est bonne, mais finalement très technique / automatique. Par exemple, la capacité à être trouvé sur les moteurs de recherche utilise l’indicateur MozRank. Il ne me semble pas pertinent pour évaluer clairement nos parcours utilisateurs : il est beaucoup trop générique. Par ailleurs, comme Website Carbon Calculator, il utilise les données de The Green Web Foundation pour évaluer le bénéfice environnemental des datacenters.
Avis personnel
La note ressemble beaucoup plus à un score de performance, à la manière de ce que font déjà des outils comme Google Page Speed ou GTMetrix, et n’apporte pas suffisamment d’éléments concrets pour agir.
Et ensuite ?
Chacun de ces outils apportent son lot d’indicateurs d’impact environnemental, plus ou moins pertinents, avec plus ou moins de précisions. Il est souvent nécessaire de les utiliser en complément d’autres outils orientés Web performance.
Cependant, maintenant que vous avez pris conscience de l’impact de votre communication Web, ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Suivant les outils d’évaluation que vous avez utilisés, vous avez de nouveaux indicateurs pour réduire votre impact environnemental : diminuer la complexité technique, redéfinir les parcours utilisateurs, restructurer ou réécrire vos contenus. Vous pouvez aussi consulter les statistiques de consultation de votre site Web pour évaluer les parcours qui n’aboutissent pas ou valider de nouvelles hypothèses de visites.
Certains aspects techniques peuvent être très simples et rapides à corriger, mais n’oubliez pas que le levier qui a le plus d’impact est bien celui des solutions que vous allez proposer à vos utilisateurs. Anticipez leurs attentes et proposez-leur des contenus ou des expériences de qualité et les plus sobres possible.